Une brique dans le cœur

Les Community Land Trust (CLT) révolutionnent l’accès au logement, grâce à un principe génial : vendre des logements mais pas la terre qui se trouve sous l’immeuble. Avec le soutien de crédal, le CLT bruxellois vient de créer un lieu unique en son genre, abordable et centré sur la solidarité entre les habitants. Nous avons rencontré Monique Rwambonera, habitante d'un appartement du projet Calico.

Ce jour-là, Monique Rwambonera regarde le journal télévisé dans son logement social de Schaerbeek. Elle se sent bien dans cet appartement mais ne peut s’empêcher de faire des calculs : « Chaque mois, je paie un loyer, qui n’arrête pas d’augmenter. Mais à la fin, je n’aurai rien pour moi ou pour mes enfants. »

Monique vit seule avec ses deux enfants. Et bien qu’elle ait une situation stable et des revenus réguliers en tant qu’aide familiale, elle peut danser sur sa tête pour trouver un appartement deux chambres abordable et une banque qui lui accorde un crédit.

Une séquence du JT attire son attention.

Aux quatre coins du monde, à Boston ou à Porto Rico, des communautés s’organisent autour d’une idée étonnante : la possibilité, pour des habitants, d’acheter un logement mais pas le terrain sur lequel il est construit. La terre est considérée comme un bien commun sans valeur marchande, qui doit être géré par une collectivité : « le Community Land Trust ». Les bâtiments, par contre, peuvent être acquis par des propriétaires et transmis ensuite à leurs enfants. La valeur du foncier n’entre donc plus en ligne de compte dans le coût global du logement qui devient, de ce fait, plus accessible. Si les appartements sont revendus, ce doit être à un prix plafonné, fixé par le CLT, afin de lutter contre la spéculation immobilière et l’envol des prix.

Cet envol, Bruxelles le connaît bien. Les logements sociaux manquent cruellement et les loyers ne cessent d’augmenter. Entre 2000 et 2010, les prix des logements ont doublé dans la capitale. A cette époque, des acteurs de terrain se sont réunis pour penser à des solutions innovantes et qualitatives pour les personnes aux revenus modestes. Le Community Land Trust Bruxelles (CLTB), premier modèle du genre en Europe continentale, est créé en 2012 et subsidié par la Région de Bruxelles-Capitale. Crédal, Hefboom et Triodos participent au financement. L’objectif est ambitieux : loger 1000 personnes d’ici 2030. Des projets sont lancés à Molenbeek et Anderlecht pour proposer des appartements confortables à des Bruxellois à faibles revenus pour environ 75% du prix du marché. Monique Rwambonera saute sur son téléphone. Le CLTB l’inscrit sur une liste d’attente comme candidate-propriétaire et lui annonce la couleur : les demandes sont nombreuses ; ça prendra de longues années.

Construire des liens

En septembre dernier, à 52 ans, Monique emménage à Forest, dans un deux chambres, acheté au CLTB (grâce à un prêt du Fonds du logement) pour la somme de 173 .000 euros. Ce logement fait partie du projet pilote Calico (Care&Living Community) qui pourrait bien secouer nos façons d’habiter.

Au-delà du montage original du Community Land Trust, il s’agit en effet d’une expérience de cohabitation in tergénérationnelle et solidaire, unique en son genre, avec l’intervention de la coopérative Vill’ages de Pass-ages, cliente de crédal.

Anne-Laure Wibrin est l’une des coordinatrices de Calico au sein du CLTB. « La caractéristique principale de ce projet, c’est la mixité sociale, tant en termes de revenus que de tranches d’âges. » A côté des subsides régionaux qui servent à financer des logements sociaux, le CLTB a en effet bénéficié de fonds européens du programme Actions Innovatrices Urbaines permettant d’ouvrir une partie du bâtiment à un public de classe moyenne.

Construire<strong> des liens</strong>

Crédal a cofinancé la construction des 34 appartements

Ceux-ci ont été affectés selon le niveau de revenus (50% de logements sociaux, 50% de logements « moyens ») et l’âge des résidents (50% pour des moins de 50 ans, 50% pour des plus de 50 ans). Certains appartements n’ont pas été vendus mais mis en location via une agence immobilière sociale pour le public plus âgé, qui obtient difficilement des crédits. Une partie des appartements a également été réservée à Angela D., une association féministe cliente de crédal qui réfléchit à l’accès aux logements pour toutes, dans un esprit de solidarité. « Cette diversité des publics offre des compétences différentes, se réjouit Anne-Laure Wibrin. La rencontre entre habitants est vraiment possible.» Dans la philosophie du Community Land Trust, il ne s’agit en effet pas uniquement de poser ses meubles dans un lieu mais de se l’approprier et de créer une dynamique collective autour de l’habitat.

Le CLTB compte d’ailleurs un tiers de résidents dans son conseil d’administration. Les deux autres tiers sont réservés aux voisins ou membres de la société civile et à des représentants de l’autorité publique. « Cette répartition équilibrée garantit la participation des résidents à la gestion, tout en assurant que les intérêts des habitants du quartier et l’intérêt général seront également respectés », peut-on lire sur leur site. « Là encore, un juste équilibre entre les intérêts individuels et généraux est primordial. »

Les habitants ont été associés à la conception du projet Calico.

Rencontre avec les architectes, visites du chantier, réflexion autour des espaces communs... Ils sont ensuite accompagnés pour la mise en place de la gestion quotidienne du lieu. Il faut par exemple organiser le nettoyage des communs ou définir des règles pour l’occupation des espaces collectifs : une salle polyvalente et un jardin, tous deux ouverts sur le quartier, et un appartement pouvant servir, par exemple, de salle de réunion ou de chambre d’amis occasionnelle. Actuellement, la salle commune est louée quelques jours par semaine au réseau de santé mentale Rézone et sert le reste du temps de lieu de rencontre ou d’activité pour les enfants.

Bientôt, une maison de naissance et une maison de mourance viendront encore s’installer au coeur de Calico. Elles accompagneront les familles autour de l’arrivée d’un enfant ou les personnes en soins palliatifs dans les derniers moments de leur vie.

Pour l’heure, Monique enchaîne les réunions avec ses nouveaux voisins. Les liens de solidarité qu’elle voit se construire de jour en jour lui rappellent son pays d’origine, le Rwanda. « Chez moi, on s’entraide, on ne laisse pas les personnes âgées toutes seules. Mais je n’avais pas encore vu ça en Europe. Ici, au moins, à Calico, il n’y aura pas de solitude ! »

Les habitants ont &eacute;t&eacute; associ&eacute;s &agrave; la conception du projet Calico.
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