Où poussent les paysans?
Les « fils et filles de fermes » délaissent l’agriculture. Mais le travail de la terre attire un nouveau public, soucieux de produire une alimentation respectueuse de l’environnement. Graines de paysans les accompagne sur ce chemin.
« Bruxelles est l’une des capitales mondiales de l’agriculture urbaine. » Gabriele Annicchiarico, anthropologue de formation, est le coordinateur de l’espace-test agricole d’Anderlecht né en 2016.
Selon lui, il y a trois points chauds sur la planète pour la production alimentaire en ville : La Havane (Cuba), qui a dû organiser son autosuffisance, Rosario (Argentine), qui a trouvé dans l’agriculture urbaine une réponse à la crise économique, et Bruxelles, qui grouille de projets à petite échelle et bénéficie d’une politique alimentaire ambitieuse.

L’espace-test de Bruxelles « Graines de paysans », coordonné par l’asbl Le début des haricots, est l’une des réalisations les plus visibles du vaste projet BoerenBruxselPaysans, impulsé par différents partenaires – dont crédal. Il s’agit d’un espace de 4 hectares découpé en petites parcelles, situé dans une oasis de verdure, la vallée du Vogelzang à Anderlecht. Le bruit du ring et le totem jaune et bleu du Ikea tout proche rappellent toutefois qu’on est bien sur le territoire de la ville et que les changements de modèles prennent leur temps.
Et c’est précisément la ville, et sa déconnexion avec le monde rural, qui redonne aujourd’hui du souffle à l’agriculture, en mal d’effectifs.
A ce jour, 16 personnes sont déjà passées par l’espace-test (test en cours ou terminé) et six jeunes activités se sont déjà installées dans la ceinture alimentaire bruxelloise. Elles proposent des œufs, des légumes, des herbes aromatiques, des tisanes ou des plantes médicinales à un public de proximité.
« C’est un nouveau vivier de paysans », observe Gabriele Annicchiarico. La majorité des candidats qui postulent pour tester ici une activité maraîchère n’ont pas de lien familial avec l’agriculture. Ils sont souvent en reconversion professionnelle, attirés par un métier dur mais plein de sens, en contact avec la nature et le vivant. « La motivation et l’énergie qu’ils mettent dans ces projets est incroyable. »
Construire l’alternative
Concrètement, Graines de paysans met à disposition, pendant 2 ou 3 ans, une parcelle de 15 ou 30 ares, une serre, des outils et l’infrastructure nécessaire pour démarrer une activité maraîchère à petite échelle, certifiée bio et non mécanisée. Pendant cette période, les agriculteurs préparent leur future installation, gèrent le calendrier de leurs récoltes, développent des filières de distribution et de vente, et entrevoient quels pourraient être leurs futurs revenus.
Sur ce point, Gabriele Annicchiarico ne nous vend pas la lune : le revenu mensuel moyen d’un jeune maraîcher tournerait autour de 1200-1300 euros brut. « Le salaire moyen des agriculteurs wallons n’est que de 5-6 euros nets de l’heure », rappelle-t-il.
Bien plus qu’un prêt de herse ou de charrue, Graines de paysans propose un véritable parcours d’accompagnement, d’échanges et de mise en réseau entre agriculteurs (péri)urbains. Avec, à la clé, une réflexion sur la transformation des filières alimentaires en ville et un plaidoyer pour que soient reconnus les rôles multiples joués par ces néo-paysans. En retissant un lien entre la ville et la terre, ils nourrissent les citadins de produits sains et locaux mais leur offrent des espaces de ressourcement, enrichissent la biodiversité et rappellent aux enfants que les salades ne poussent pas dans les supermarchés. La proximité, bien plus qu’une question de distance.
